Ceux, qui ne connaissent pas le fonctionnement du système social au Luxembourg, sont peut-être surpris, en lisant le titre de cet article, se
demandant si aider n'a pas toujours comme (seul) but d'aider. Cela devrait l'avoir, mais hélas! Le Ministère de la Famille, la direction des
institutions sociales, tout comme ceux et celles qui y travaillent ont leur vue des choses, d'une part une vue simpliste et rigide, basée sur
le principe des boîtes préfabriquées par eux-mêmes, dans lesquelles leurs clients peuvent être mis, de l'autre convaincus que ce sont eux et
eux seuls (et certainement pas nous-mêmes), qui savent ce qui est bien pour nous et, par conséquent, ne font aucun effort de nous écouter, bien
au contraire, nous forcent à accepter ce qu'eux, ils ont décidé pour nous. «Une aide, qui oblige les gens à accepter des choses, souvent même le
contraire de ce qui les aiderait vraiment, n'a absolument rien à faire avec de l'aide», je leur dit dès mes débuts dans la rue. «L'un des grands
problèmes du système social dans ce pays, c'est que les gens, qui y travaillent, ne voient leurs clients que comme des clients, mais jamais
comme des êtres humains adultes, avec une histoire, une vie d'homme ou de femme avec des besoins et des désirs individuels. C'est pourquoi, ils
pensent ne pas devoir les respecter», C. K. du service de proximité de la Croix Rouge m'a dit une fois. Cela fait bien longtemps. Ce service est
fermé depuis des années. «Adressez-vous aux offices sociaux communaux», on nous dit. Avant de le faire, je vous conseille de jeter un coup d’œil
sur mon article Principe de base: Plus qu'on profite, plus qu'on a de droits!
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Très mal vu par la Caritas, car je n'arrêtais de leur dire ouvertement ce que je pense de leur manière de traiter des gens, qui, selon ma vue du
monde, sont des êtres humains, qui ont des droits et en premier lieu celui à leur dignité, je devais m'attendre à ce que ni au Foyer Ulysse, ni
auprès de Streetwork, on ne me parle jamais du service de proximité. Le hasard, pourvu qu'il existe, me venait à l'aide. Un copain à moi,
informaticien aussi, d'ailleurs, prenait des cours de russe, ce qui était aussi le cas de C. K. Je me suis souvent demandé ce qu'auraient été
mes expériences avec le service de proximité, si j'étais tombé sur un autre assistant social et parfois aussi, si j'avais appris à connaître
C. K. de manière conventionnelle. Concernant la première question, je ne suis pas sûr, concernant la deuxième, je pense que cela n'aurait rien changé.
En effet, j'ai été plusieurs fois témoin, quand C. K. avait un client au téléphone et j'avais toujours la même impression: Il écoutait attentivement,
essayait de comprendre la situation précise du moment et de voir les possibilités afin de changer cette situation. De l'aide ponctuelle, immédiate
de préférence, sans poser des conditions, sans vouloir imposer quoi que ce soit. Un seul but: aider pour la seule raison de vouloir aider. Mon respect et mon
regret que "votre" service n'existe plus, monsieur K. (si peut-être un jour vous lisez ce texte...).
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Les possibilités de vraiment aider sont très limitées au Grand-duché. Même des institutions comme la Croix Rouge vivent principalement de ce qu'elles
reçoivent de l'État et ainsi, c'est généralement le Ministère qui décide, qui sont ceux, qu'on peut aider (et qui ceux, à qui il faut refuser toute
aide) et de quelle manière. «Mais», C. K. a expliqué, «il y a l'argent, qui provient des dons des particuliers; l'État ne peut pas nous prescrire ce que
nous en faisons!» Un rien, si on compare aux centaines de milliers d'euros qui sont dépensés chaque année pour rendre la vie agréable et faire passer le
temps à ces parasites privilégiés, qui, compréhensiblement, suscitent de plus en plus de colère chez les gens honnêtes, qui doivent aller travailler tous les
jours. Mais, ce rien était tout ce que nous n'avons plus aujourd'hui! Voyant leur priorité à essayer de donner à des gens en détresse ce dont ils
avaient vraiment besoin et au moment, où ils en avaient besoin, nous pouvions y avoir des petites boites avec des aliments, qu'ils recevaient de
l'armée; à une période, où il n'y avait pas encore cette foule de gens importants de là-bas, pour qui on a construit ces soi-disant bistrots sociaux,
cela pouvait bien faire la différence entre avoir le ventre plein et être assis dans le froid pour faire la manche. Situation similaire pour les vêtements:
lorsque nous avions vraiment besoin de quelque chose, nous pouvions avoir un bon pour le vestiaire de la Croix Rouge (à la grande différence avec les offices
sociaux communaux, qui ont refusé de m'en donner, pour la seule raison, que je ne suis pas prêt à profiter de la société en me laissant payer chaque mois
1.400€ de RMG). Tranquille, sans devoir se faire bousculer, menacer et insulter par ces messieurs sans aucun respect, qui, à cette époque, commençaient à
faire leur apparition à la Stëmm vun der Strooss. Et puis, un autre petit rien, que nous avons entièrement perdu avec la fermeture
du service de proximité: la possibilité d'avoir une aide financière! Limitée à 250€ par personne et par an, on pourrait être mené à dire qu'avec le coût de la
vie au Luxembourg, qu'est-ce que cette somme ridicule pourrait changer. Elle pouvait tout changer! Quand, pour une raison ou une autre, on avait besoin d'argent,
on savait qu'il y avait un endroit, où on pouvait le recevoir, sans devoir remplir des conditions particulières, sans devoir attendre, sans devoir inventer
des histoires mensongères. C'est avec 25€, reçu du service de proximité de la Croix Rouge, que j'ai payé les 2 pizzas, qui ont changé toute ma vie!
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Je suppose que c'était le Ministère, qui est à l'origine de la décision de fermer le service. Ce qui ne doit pas vraiment étonner. Voulant le contrôle
absolu du système social (comme d'ailleurs de toute autre chose, y compris de plus en plus de la vie privée des citoyens), laisser la possibilité
à la Croix Rouge la possibilité de gérer librement une partie de leur revenu et d'aider des gens, pour lesquels il n'y a pas de boite prévue ou qui
refusent de s'y laisser enfermer, devait bien les déranger. Et actuellement, avec les offices sociaux des communes ayant pris la relève, les
assistantes n'ont guère d’autre possibilité que de faire exactement ce qu'on leur dit, c'est-à-dire mettre en pratique ce que notre gouvernement
appelle, où est-ce que je devrais dire «n'a aucune honte d'appeler» justice sociale.
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allu, novembre 2019
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