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Il y avait une fois une institution qui s'appelait Stëmm vun der Strooss (Voix de la rue). Située à Bonnevoie,
deux pièces plutôt petites réparties sur deux étages et une petite terrasse, fort agréable en été, c'était un endroit
conçu pour les SDF et leur slogan était que "personne ne sort d'ici, le ventre vide". Leur premier objectif était de
donner aux SDF la possibilité d'avoir un repas chaud à midi. Le prix de la première assiette était fixée à 50 cents,
si l'on prenait une deuxième fois, c'était gratuit, mais l'importance était que vraiment chacun pourrait y manger et
le personnel n'avait aucun problème de fermer les deux yeux, si quelqu'un n'avait pas assez de sous ou ne pouvait pas
payer du tout. A part ce "restaurant pour les pauvres", la Stëmm disposait d'un vestiaire, où les SDF pouvaient avoir
des vêtements, un peu comme ils en avaient besoin et entièrement gratuits. Et puis, il y avait "papa" Schaus, cet
assistant social pas comme les autres. Si on avait vraiment besoin de quelque chose (du moins ceux, qui ne profitaient
pas tout le temps), on pourrait être sûr de le recevoir. Pas besoin de mener de longues discussions, d'inventer de
tristes histoires, de se tordre comme un chien - de l'aide ponctuelle immédiate, honnête et sans arrières-pensées,
dans le seul but de donner de l'aide à celui qui en avait besoin.
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Avec l'arrivée de plus en plus de gens au Luxembourg par ce que j'appelle "immigration sauvage", les locaux à Bonnevoie
devenaient trop petits et on décidait de déménager à Hollerich. Nettement plus grand et plus sophistiqué, des nouveaux
services telles les douches ou la lessive, plus d'éducateurs et toute une "armée" (surtout des ATI et des bénévoles) pour
la cuisine et le comptoir, pour débarrasser les tables, pour le vestiaire et le nettoyage. Sans M. Schaus, d'ailleurs; il
avait pris sa pension entre temps. De la chance pour lui: Il n'a pas été forcé de faire partie de cette "fabrique", qui
de plus en plus n'a plus guère quelque chose à faire avec les sans-abri. «Pas le grand luxe, mais pas trop mal. Mais on
aurait bien pu prévoir l'Internet!», l'un de ces messieurs important, habitant dans les appartements financés par notre
système social et constituant la grande majorité de la clientèle actuelle de la Stëmm, a commenté. «Notre but est de
fournir un service de qualité», le chef-éducateur m'a expliqué. Oui, pour ces gens privilégiés et très, très exigeants,
ceci est sans aucun doute d'une importance primordiale. Pour nous autres, la conséquence n'en est que perdre le support
de base que nous y trouvions autrefois.
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La Stëmm vun der Strooss est devenu en endroit, où les gens vivant dans la rue sont très mal vus («Tu est moins qu'un
chien...»), où il n'est plus possible de manger tranquillement, où nous avons de plus en plus de difficultés d'obtenir
les choses les plus élémentaires (d'après leur nouveau règlement, plus aucune possibilité d'avoir, le nous-même, des
souliers, s'ils nous ont été volés ou chaussettes, s'ils sont trempées par la pluie) et l'aide d'urgence accordée par
M. Schaus étant remplacée par un simple «Désolé! Cela n'est pas prévu!» (alors qu'eux, ils ont bien eu leur Internet),
sans aucun effort de chercher une solution. Très irritant, une institution, qui s'appelle "Voix de la rue" et en y allant,
on y rencontre toute sorte de gens, mais pratiquement plus de sans-abri locaux. Il y a eu ce problème de violence, en
premier lieu en rapport avec la vente de drogues et autres activités illégales et criminelles. Des bagarres presque
journalières (nécessitant fréquemment l'intervention de la police) a eu comme résultat que beaucoup de SDF d'ici ont
eu peur pour y aller. Là au moins, ils ont réagi. Deux agent de sécurité (heureusement qu'il y a plein de gens honnêtes
qui payent des impôts!), présents chaque midi, ont fini par chassé la plupart de ceux qui causaient ces problèmes et
je pense qu'on peut dire, qu'actuellement la sécurité y est plutôt assurée. Mais il reste plein de raisons pour les SDF
d'ici de ne plus y aller. «C'est bien dommage, mais c'est une chose normale», la directrice de la Stëmm m'a dit.
«Avec de plus en plus de gens, tout le monde ne peut plus être accueilli. Et ce sont les plus faibles qui se font
chassés d'abord.» Les plus faibles, ce sont avant tout des gens qui sont nés et qui ont travaillé ici; ceux qui y
traînent tout l'après-midi, gaspillant la nourriture et faisant du bruit et de la saleté, ce sont principalement
ceux qui viennent au pays pour ne jamais rien y faire d'autre que crier «Donne-moi! Donne-moi!». Aucune chance d'avoir
une discussion avec les responsables. Juste mentionner le problème et déjà on est classifier xénophobe et raciste!
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Devoir nous laisser emmerder, bousculer, insulter et menacer n'a pas vraiment changé avec l'arrivée des sécurités, il me
semble. D'ailleurs, ce n'est pas seulement le cas pour nous, mais aussi pour les ATI et bénévoles. J'ai plusieurs fois
remarqué qu'ils sont forcés d'accepter qu'on les provoque, qu'on fasse volontairement de la saleté, qu'on les insulte et
menace. Et s'ils se plaignent auprès des éducateurs, pas plus à espérer d'eux que nous! Un autre problème, c'est le
bruit. Que les gens qui vivent dehors espèrent trouver un peu de calme durant l'heure de midi, me semble évident. Tout
comme je pense qu'un endroit, où on mange, ne devrait pas être une place, où on se donne rendez-vous pour faire de la
musique ou pour discuter en criant comme des fous. Que les Roms n'auraient peut-être pas d'écouteurs, la directrice m'a
répondu une fois que je me plaignais. Et que leurs pauvres chiens (qui parfois aboyaient sans arrêt) ne pourraient
quand-même pas rester dehors. En d'autres mots: Soit nous, nous restons au chaud, mais sommes forcés d'endurer le bruit,
soit nous restons dans le froid, mais au moins y sont tranquilles. Qu'écouter de la musique sans casques ne serait pas
autorisé et que ceux, qui dérangent les autres en faisant du bruit tout le temps, seraient mis à la porte, les responsables
m'ont dit lors de mon entrevue avec eux l'année passée. Mais la réalité est bien différente! La musique est bien moins
forte qu'avant, c'est vrai, mais il y a toujours des gens qui ont le droit de ne pas utiliser d'écouteurs et cela n'évite
pas que ceux, qui mangent aux tables avoisinantes, sont pas beaucoup moins dérangés qu'avant. Concernant le respect des
autres, absolument rien ne semble avoir changé. Deux fois de suite que j'y suis allé, M., ce jeune Rom bourré de cocaïne
la plupart du temps, gueulait et gueulait et gueulait ... les sécurités le laissant faire et les jeunes éducatrices, au lieu
de lui dire d'arrêter, blaguaient et rigolaient avec lui. Respecter ceux, qui ne respectent pas les autres, leurs affaires
ou leur tranquillité, n'est rien d'autre que refuser le respect à ceux, qui se comportent comme des êtres humains (au moins
un tout petit peu) civilisés! Pas étonnant que les SDF locaux évitent la Stëmm s'ils le peuvent!
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Si la "Stëmm" veut absolument tout faire pour satisfaire les mille vœux de gens qu'il est difficile d'appeler autrement que des
parasites, c'est leur droit. Et s'ils ne veulent plus des gens qui vivent dans la rue, c'est leur choix. Mais je pense qu'ils
devraient être honnêtes alors et arrêter de collecter des vêtements et des dons en prétendant que ce serait pour nous. L'exemple
le plus parlant (scandaleux, honteux, répugnant et pervers dans mes yeux) est une histoire qui c'est passée l'année passée. La
Stëmm avait fait un appel d'offrir des sacs de couchage, en propageant qu'au Luxembourg, il y aurait de plus en plus de gens
qui n'auraient pas de toit au-dessus la tête. Leur appel a été entendu: Ils en ont reçu une centaine (peut-être plus). Et,
qu'est-ce qu'ils en ont fait? Ils les ont distribué en été et en majorité à des gens qui n'en ont aucunement besoin (s'ils prennent
plein de choses dont ils n'ont pas besoin, c'est avant tout pour les vendre, je pense). Mais pas assez avec cela: Durant l'hiver,
pas de possibilité pour les gens, qui vivent dans la rue, de recevoir un sac de couchage à la "Stëmm"! Même pas, parce qu'ils n'en
avaient plus, mais carrément le refus de nous en donner! «Tu n'as qu'à dormir à l'action d'hiver!» et «Va voir chez Streetwork», ils
nous disaient. Une institution, qui, durant l'hiver, refuse (pour quelle que raison que ce soit) de donner des sacs de couchages
à ceux, qui dorment dehors (il y a quelques années une telle politique aurait été inimaginable et je suis convaincu que leur
directrice, telle qu'elle voyait son devoir ce temps-là, n'aurait jamais pensé à prendre de telles décisions), ne devrait pas avoir
le droit de se dénommer Stëmm vun der Strooss! Et faire un appel pour recevoir des sacs de couchage pour les sans-abri, les
distribuer à autrui et nous les refuser lorsque nous en avons besoin, je pense que ce n'est pas seulement prendre ceux, qui veulent
faire de la charité, pour des cons, que ce n'est pas seulement être malhonnête, mais que c'est carrément de la tromperie! Ma vue
personnelle des choses, on peut dire, mais je suis loin d'être le seul à être de cet avis. J'ai raconté cette triste histoire de la
"Stëmm" et de leurs sacs de couchage à plein de gens. Je n'ai trouvé aucun qui a pu trouver cela normal. Et la majorité d'entre
eux étaient bien d'accord avec moi que le mot de tricherie est bien applicable!
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Il n'a que très peu d'espoir que le prochain gouvernement (sous la direction du CSV, sans aucun doute) changera la politique social
actuelle et manifestera un vrai intérêt à faire quelque chose pour les résidents (en général et encore moins pour les SDF). Mais, si
concernant la Stëmm, je pouvais exprimer un vœu à leur égard, ce serait de faire en sorte qu'elle ne pourrait plus avoir le droit
de s'appeler "Voix de la rue", ou, si cela est trop demandé, qu'au moins leur défendre d'utiliser les sans-abri pour amener les gens
honnêtes à faire des dons, qui à 95% sont distribués à des individus qui n'ont rien, mais absolument rien, à faire avec la rue. Je
suis d'ailleurs certain que la plupart de ceux qui répondent à leurs appels, s'ils voyaient ce qui se passe réellement dans les foyers,
dont en leur raconte qu'ils seraient pour nous et pour nous aider, le regretteraient et seraient à jamais guéris de l’idée de faire
des dons à de telles institutions. Et je pense, qu'aussi longtemps que les gens croient et les médias propagent, ce qu'eux ils racontent
sur eux-mêmes et sur leurs clients, des gens étant nés et ayant travaillé dans ce riche pays, devront vivre, souffrir et mourir dans
la rue!
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allu, mai 2018
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