La vie SDF au Luxembourg

Les institutions sociales au Luxembourg: La Stëmm vun der Strooss.


La Stëmm vun der Strooss à Esch/Alzette.


La Stëmm vun der Strooss à Esch/Alzette est toujours un endroit pour nous
Il n'y a pas de distances dans ce pays minuscule, on peut dire, mais se déplacer à Esch-sur-Alzette prend quand-même pas mal de temps, surtout si l'on habite au nord du pays. Il est donc plutôt exceptionnel que je vais à la Stëmm vun der Strooss là-bas, peut-être pas assez souvent pour vraiment en avoir une opinion objective. D'autre part, la différence avec ce centre de luxe à Hollerich, qui voit son devoir à fournir un service de qualité à quelque 300 personnes, dont la grande majorité sont des gens qui ne feront jamais autre chose dans ce pays que de profiter sans aucune gêne et sans aucun respect devant ni rien ni personne de notre système social, est tellement apparent, que je pense qu'on peut dire, que l'impression que j'ai eue la semaine passée, quand j'y suis passé à la recherche de quelques vêtements chauds pour l'hiver en approche, n'est pas seulement une impression personnelle, mais bien une réalité: Un petit coin sobre, où les gens, qui vivent dans la rue, sont les bienvenues et peuvent trouver une aide de base au moment, où ils en ont besoin, une institution, qui rappelle le "bon vieux temps", qui a su (ou est-ce qu'il est plus approprié de dire voulu?) conserver la vocation originelle de la Stëmm, c'est-à-dire être là pour les "Leit vun der Strooss".
Toute la différence avec Hollerich, dès qu'on ouvre la porte: Pas d'agents de sécurité (qui sont signe plus que parlant qu'à l'endroit, où on entre, on risque de se retrouver au milieu d'une bagarre, d'être volé ou agressé), tout simplement parce qu'il n'y pas de besoin, la plupart de ceux, qui y prennent leur repas étant des SDF, majoritaires des gens d'ici, quelques ivrognes des pays de l'est (comme c'est le cas aussi chez Sreetwork Uewerstad), mais rien de ces messieurs importants en premier lieu d'Afrique du Nord, en grande partie responsables de cet environnement plein d'insultes, de menaces, de violence et de criminalité tout genre, qu'on trouve à la Stëmm à Luxembourg. Pas de ceux comme M. le Rom, qui gueulent sans arrêt, pas de musique, ni d'aboiement de chien, c'est dans le calme que je me suis rapproché de la table, où étaient assis la directrice et l'éducateur, qui vendaient les tickets pour la bouffe et distribuaient les bons pour les vêtements. Avoir un ticket si on n'a pas de fric, n'est plus possible à Esch non plus (je pense), mais pas de problème pour prendre ma tasse de café avec à l'extérieur et pour les habits, il faut juste demander, on reçoit un bon (une fois toutes les 2 semaines) et on peut aller au vestiaire immédiatement. Cet "immédiatement" qui fait toute la différence: pour ceux qui habitent dans des logements, financés par les impôts payés par les gens honnêtes, cela ne joue pas de rôle de devoir revenir le jour après (ce qui ne veut pas dire qu'ils l'acceptent sans grogner ou même insulter le personnel), pour nous autres, c'est important d'avoir la possibilité de trouver de l'aide au moment, où nous en avons besoin. Ce petit jour en plus, pour moi personnellement, l'un des signes les plus significatifs, montrant toute la différence entre ceux qui prétendent être là pour nous, mais ne le sont plus que pour eux et ceux qui cherchent à nous aider effectivement!
Si ces enfants diplômés à Hollerich me sont toujours apparus sans manières, froides, sans engagement réel dans leur travail et souvent plus intéressé à leur GSM et à blaguer et rigoler avec des gens comme M. le Rom qu'à essayer de répondre aux problèmes ponctuels d'un vieux SDF, j'étais surpris qu'à Esch, tout le monde était très poli, serviable, même gentil avec moi. Bien-sûr cette différence peut partiellement s'expliquer par des faits d'ordre général: Cette clientèle de non-respectueux et violents non présente, les gens ne sont pas soumis à tout le stress que cela entraîne; dans ce petit local à l'aspect familier, il est beaucoup plus facile de travailler que dans cette fabrique, où il faut satisfaire les souhaits de tous ces gens très exigeants et ne cessent de crier jusqu'à ce qu'ils reçoivent, ce qu'ils veulent; la différence d'âge entre les gens travaillant à Esch et ceux à Luxembourg, va de pair avec une éducation entièrement différente, une approche toute différente du travail dans le social, de leur attitude générale envers les clients. Mais je pense que ces raisons ne constituent qu'une petite part de l'explication: Même s'il y a plein de contraintes externes (suite aux règlements émis par le Ministère de la Santé, suite à la réalité journalière sur le terrain...), c'est celle qui a la responsabilité, qui a largement la possibilité de déterminer la politique d'une institution, de définir les priorités des services fournis, d'imposer une manière donnée de comportement aux gens qui y travaillent, de faire le choix d'être là pour les uns ou pour les autres. Le jour, où j'étais là-bas pour avoir un sweat-shirt avec capuchon pour éviter les oreilles gelées durant les nuits d'hiver, il y a eu cet incident, qui au départ rappelait la situation en ville et qui aurait pu laisser croire qu'à Esch aussi, les temps en tranquillité et sécurité sont passés. Un monsieur de Russie ou de l'Europe de l'Est, plein d'alcool, se mettait à hurler, aucune idée pourquoi, probablement parce qu'on lui avait refusé quelque chose, dont il était convaincu qu'en tant immigré il en aurait le droit. Cela ne durait même pas 2 minutes et tout était terminé. Et la directrice et l'éducateur sont immédiatement intervenus et cela de façon rigoureuse et déterminée: Immédiatement mis à la porte (et sans aucun doute fait appel à la police s'il ne se serait pas en allé)! Respecter ceux qui ne respectent pas les autres, c'est refuser le respect à ceux qui se comportent normalement! Accepter les vols et la casse dans les foyers de la Caritas, le bruit et les insultes dans la Stëmm à Hollerich et (partiellement) chez Streetwork, à Esch, les montres semblent encore fonctionner comme c'était le cas, il y a quelques années, dans toutes les institutions social au Luxembourg!
Par curiosité, j'ai demandé si chez eux, il était possible d'avoir un sac de couchage. Ce n'est pas le cas; fournir des sacs de couchage aux gens de la rue ne fait définitivement plus partie des services offertes par la Stëmm. Mais, une nouvelle fois, j'ai constaté toute cette différence entre vouloir aider et prétendre d'être là pour nous. Si la réaction de la jeune éducatrice à Hollerich, quand j'avais besoin d'un nouveau sac de couchage, l'hiver dernier, était de me jeter un bref "Nous ne sortons plus de sacs de couchage durant l'hiver! Tu n'a qu'à dormir à l'Action d'Hiver", à Esch on m'informait de l'existence de Médecins du Monde, avec une permanence tous les jeudis matins, qu'on y recevrait de l'aide médicale et qu'ils auraient aussi du matériel contre le froid; accès gratuit et sans conditions, notamment pas besoin de la bienveillance d'une assistante social, comme c'est le cas dans les institutions d'aide sociale de la Croix-Rouge. Et puis, me disant qu'ils auraient des couvertures, si j'avais besoin de quelque chose, je n'aurais qu'à le dire... Je n'ai pas demandé comment ils géreraient des situations, où un SDF qui a reçu des vêtements le jour avant, s'y présente sans souliers (parce qu'on les lui avait volés) ou trempé de pluie. Est-ce qu'ils feraient comme à Hollerich en refusant de l'aider le jour-même sous prétexte qu'en le faisant, il y auraient trop de gens qui simuleraient des situations de détresse pour recevoir des choses? Il y n'y pas de certitude qu'ils feraient autrement, mais je ne peut pas me l'imaginer. Je pense plutôt que la directrice réagirait comme celle de la "Stëmm" en ville aurait réagi autrefois (effrayant, comment les gens changent au cours de leur vie): Aider le sans-abri qui a besoin d'aide!
allu, novembre 2018